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Publié le 15 février 2024 , rédigé par Me Olivia Deschamps

Au cours de leur mariage, les époux peuvent souhaiter modifier leur régime matrimonial pour différentes raisons. Explications sur la procédure qui a été simplifiée notamment depuis la loi du 23 juin 2006.
On peut se demander tout d’abord ce qu’est le régime matrimonial. Le régime matrimonial se définit comme l’ensemble des règles qui organisent les rapports pécuniaires entre époux, c’est-à-dire les dettes et créances, qui déterminent la propriété des biens des époux et les pouvoirs des époux sur ces biens.

Les époux sont soumis, du fait du mariage, à un régime matrimonial qui, en France et en l’absence de contrat de mariage, est le régime de la communauté réduite aux acquêts. Cela veut dire qu’à partir du mariage et tout au long de celui-ci, les biens acquis par les époux et gagnés par leur travail (salaires et revenus), sont des biens communs, c’est-à-dire appartiennent à hauteur de moitié à chacun des époux. Les biens appartenant aux époux avant leur mariage et ceux qui leur adviendront par succession et donation avant ou pendant le mariage, resteront propres à l’époux héritier ou donataire.

Pourquoi changer de régime matrimonial ?
Ces règles du régime légal de communauté réduite aux acquêts peuvent ne pas convenir aux époux. Lorsqu’ils se sont penchés sur la question avant de se marier, ils peuvent décider de signer un contrat de mariage préalable à leur union chez leur notaire afin de convenir de règles différentes à celles-ci dessus énoncées par la loi. Les époux disposent d’une très grande liberté pour choisir leur régime matrimonial et leurs aménagements. Cela peut être un régime de séparation de biens où chaque époux bénéficie d’une autonomie pratiquement totale quant à la gestion de son patrimoine ou un régime de participation aux acquêts afin de conserver cette autonomie pendant le mariage, mais de faire participer l’un des époux à l’enrichissement de l’autre.

Or il faut bien l’avouer, beaucoup de couples, par ignorance ou négligence, se marient sans savoir ou vraiment comprendre le rôle du régime matrimonial, et au cours de leur union, s’aperçoivent que le régime auquel ils sont soumis n’est pas ou plus adapté à leur situation.

Rien n’est perdu, car l’article 1396 alinéa 3 du Code civil prévoit qu’il est possible au cours du mariage de modifier les règles du régime matrimonial initialement choisi ou subi, par un acte notarié appelé acte de changement de régime matrimonial.

En effet, il peut arriver que la situation professionnelle d’un des époux change au cours de leur mariage et que l’un accède à une profession soit commerciale, soit libérale et de ce fait, souhaite protéger le patrimoine privé face à d’éventuels créanciers et disposer d’une plus grande liberté dans la gestion des biens. Ou inversement, vouloir élargir la communauté telle qu’elle est définie dans le régime légal en apportant un bien propre à la communauté.

Par exemple, un bien appartient seulement à l’un des époux qui l’a reçu par donation ou succession, et ce même époux souhaite que ce bien appartienne également à son conjoint. Il sera alors fait apport dudit bien à la communauté et cela se fera par une modification du régime matrimonial.

Les époux peuvent aussi vouloir protéger le survivant d’entre eux en attribuant privativement les biens communs au conjoint survivant au moment du décès du premier des époux, c’est-à-dire adopter une communauté universelle avec la clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant.

Par cet acte, les époux peuvent convenir que les biens communs appartiendront en totalité au survivant d’eux appelé communauté universelle. Cela peut être envisagé pour seulement un bien commun, souvent la résidence principale, qui reviendra en totalité et en pleine propriété au survivant appelé la clause de préciput.

Comment doit-on procéder pour réaliser ce changement de régime matrimonial ?
Tout d’abord, la loi de 1965 avait imposé un délai de deux ans d’application des règles édictées par la loi en l’absence de contrat de mariage ou des règles choisies par les époux dans le contrat de mariage préalable. Ce délai a été supprimé par la loi de 2019.

Les époux ont une grande liberté quant au contenu de cette modification, c’est-à-dire adopter un régime de communauté universelle ou un régime de séparation des biens, ou participation aux acquêts.

Mais au cours des différentes réformes depuis la loi de 1965, la condition de l’intérêt de la famille a été maintenue. C’est un élément très important, mais qui peut se révéler difficile à déterminer, surtout selon la configuration des familles. Les intérêts de ses membres peuvent être divergents. L’intérêt du conjoint peut être en opposition avec celui des enfants.

Certes, les enfants d’un premier mariage auront la possibilité d’intenter l’action en retranchement au moment du décès de leur père ou mère, si le changement de régime matrimonial porte atteinte à leur réserve héréditaire.

Mais les enfants communs n’ont pas la possibilité d’intenter cette action, c’est la raison pour laquelle le rôle du juge en cas du recours à l’homologation et du notaire sera d’apprécier l’opportunité de ce changement de régime matrimonial.

Les époux qui veulent changer de régime matrimonial doivent établir un acte notarié. Cet acte notarié doit contenir la liquidation du régime matrimonial si nécessaire, c’est-à-dire que si les époux choisissent un régime de séparation de biens en lieu et place d’un régime de communauté, il faut établir un état liquidatif et éventuellement partager les biens communs.

Initialement, ce changement de règles devait être homologué par le juge, d’où une lourdeur dans le formalisme de ce changement de régime matrimonial. Sans compter qu’un décès pouvait survenir entre la signature de l’acte notarié et l’homologation dudit acte par le juge, ce qui privait d’effet le changement de régime matrimonial en cas de décès de l’un des époux avant l’homologation définitive.

À partir de la réforme des successions et des libertés par la loi du 23 juin 2006, il n’était plus nécessaire dans tous les cas de recourir à l’homologation de l’acte notarié par le juge, la procédure de changement de régime matrimonial est allégée et le recours à l’homologation n’était obligatoire que dans deux cas : en présence d’enfants mineurs et/ou en cas d’opposition des enfants majeurs ou des créanciers.

Pratiquement, cela voulait dire que les époux signaient un acte de changement de régime matrimonial chez leur notaire, ce dernier notifiait par une lettre recommandée à chacun des enfants majeurs du couple ou de l’un d’eux ce changement, le notaire procédait également à la publicité de ce changement dans un journal d’annonces légales pour porter à la connaissance d’éventuels créanciers cette modification. Ils avaient tous trois mois pour éventuellement s’y opposer. Si une telle opposition survenait, les époux avaient la possibilité de recourir à l’homologation judiciaire afin de faire valider leur changement de régime matrimonial, malgré l’opposition des parties concernées.

Cette loi de 2006 avait assoupli la procédure de changement de régime matrimonial surtout pour alléger le coût de cette opération pour les époux.

Cet assouplissement ne s’est pas arrêté là, puisque par une loi du 23 mars 2019, il n’est désormais plus obligatoire de recourir à l’homologation du tribunal, même en présence d’enfant mineur. Il appartient donc au notaire de vérifier l’intérêt de la famille dans son ensemble pour passer son acte.

Enfin, les tiers sont avertis du changement de régime matrimonial par une publicité, qui est faite dans un journal d’annonces légales dans l’arrondissement du lieu de résidence des époux.

Si ni les enfants ni les créanciers ne se sont opposés dans le délai de trois mois à ce changement de régime matrimonial, le notaire établit une attestation constatant l’absence d‘opposition et procède aux formalités de transcription de cet acte en marge de l’extrait d’acte de mariage des époux.

Si le changement de régime matrimonial entraîne une mutation des biens immobiliers appartenant à l’un ou l’autre des époux, il sera procédé à la formalité de publicité foncière.